II y a quelques disques comme ça, qui n'ont pas gagné le droit à une existence réelle à leur sortie, puisque pas d'édition en joli vinyle, funeste choix la plupart du temps lié à des considérations budgétaires. La gestion comptable a ses ravages. Chacun en a au moins un en tête, un Beauty Process (L7), un Dandys Rule OK (Dandy Warhols) ou un Old World Underground (Metric), ce genre d'albums indispensables qui n'existent pas véritablement. Le second disque longue durée des Sirens, improbable gang féminin puis mixte issu de Détroit, fait partie de ces victimes de l'industrie du divertissement, dont les impératifs financiers avaient mené à supplanter un idéal vecteur sonore par un autre, certes pratique mais qualitativement plus faible, meilleur marché à produire, mais vendu plus cher, une sorte de bingo-casino historique. Et durant quelques sombres années, le coût de production d'un vinyle, devenu quasiment impossible à distribuer, fut suffisamment prohibitif pour que certains renoncent à sa fabrication, nous privant donc entre autres de ce More Is More au mauvais goût assumé. Mais les Sirens ont leurs fanatiques et le glitter-rock punkisé, option prolétaire, ses addicts. Bruno Dangerhouse en est. Et Dangerhouse Skylab (déjà responsable des sorties de Bits Of Shit et Future Primitives, voir New Noise #19) s'est donc fait fort de réparer une des injustices de l'histoire du rock'n'roll sale. Car les Sirens s'étaient fait une spécialité, dès début 2000, de reprendre sauvagement des titres plus ou moins tubes de bubblegum et glam-rock UK, voire même d'aller picorer plus largement dans la musique populaire 60's/70's, dans les bacs voisins des Détroit Cobras. Leur premier album, sorti chez Get Hip en 2004, tapait autant chez les Hollywood Brats et Suzi Quatro que chez Gladys Knight, Ike Turner ou Roky Erickson et donnait le ton. Avec une parfaite entraîneuse de bouge au micro (1 m80 sans les platform boots la Muffy Kroha), et des Gore Gore Girls et Come-Ons pour tenir le bastringue, l'ambiance était assurée. Pour More Is More trois ans plus tard, le couvert est dressé à l'identique, ça sent la bière tiède et le ballroom blitz, et les beautés ont débauché deux poilus pour pousser plus loin encore dans l'extravagance et le vulgaire. Du Sweet taille XXL (trois titres dont « Hellraiser »), les Bay City Rollers, Hollywood Brats, Slade, Girlschool, Bowie (« Rock'n'roll Suicide » en bonus), OK, la cible est pulvérisée. Puis ce sont les embardées vers MC5, les Shangri-Las et carrément Poison pour un « Talk Dirty to Me » sanglant dans son costard New York Dolls. Et là, on s'incline vraiment très très très bas. |